Les origines de la place Saint-Étienne

  Situons les lieux grâce à cette vue aérienne réalisée par le MET* en 2004 :

* Ministère de l’équipement et des transports, englobé depuis 2008 dans le SPW (Service public de Wallonie).

Intro_MET_2004.jpg
1 : place Saint-Lambert / 2 : espace Tivoli / 3 : îlot Saint-Michel (espace_sain_michel) / 4 : galeries Saint-Lambert / 5 : rue Gérardrie / 6 : place Saint-Étienne / 7 : place Saint-Denis / 8 : rue Saint-Gangulphe  /  9 : place de la République française.

 

place saint-etienne_liege_2014.jpgplace saint-etienne_liege_2014 (2).jpg
La place Saint-Étienne est de création récente (inauguration en 2005). Pour dégager cet espace, il a fallu détruire l’imposant bâtiment du centre commercial Gérardrie, tombé en désuétude (voir photo suivante). Objectif : aérer et rénover le quartier, dans le cadre du plan d’aménagement des abords des nouvelles galeries Saint-Lambert.

galerie gerardrie-liege-demolition 2003.jpg


* * * * *

  Autrefois donc, il n’existe à cet endroit qu’une rue – plutôt une ruelle – dédiée à Saint-Étienne*. Elle tient son nom d’une église paroissiale dont les origines restent obscures.

* Étienne, juif helléniste converti au christianisme, choisi pour devenir l’un des diacres des apôtres. Lapidé en l’an 33, il est est le premier martyr de la chrétienté.

 

milheuser-liege-1649.jpg
Ci-dessus, sur la gravure de Julius Milheuser (1649), la rue et l’église Saint-Étienne sont désignées par l’ovale rouge.

Dans les alentours, on reconnaît la place aux Chevaux (1), devenue la place de la République française ; la place Verte (2), devenue une partie de l’îlot Saint-Michel ; la cathédrale Saint-Lambert (3), à l’emplacement actuel de la place du même nom et de l’espace Tivoli ; la rue Gérardrie (4) ; la collégiale Saint-Denis (5), fondée par Notger en 987, intégrée dans la première enceinte fortifiée de la cité.

 

eglise saint-etienne_liege_1780.jpg
L’église Saint-Étienne en 1780, dessinée par J.J. Van den Berg (Bibliothèque Ulg). Soustraite au culte en 1797 pendant la période française, elle est mise en vente et devient une salle de spectacle jusqu’en 1806, date à laquelle on la démolit pour la remplacer par une habitation bourgeoise. On profite de l’occasion pour élargir les voiries.

 

essai.jpg
L’ancienne église Saint-Étienne se trouvait à l’angle des rues Saint-Étienne (trait rouge) et Chapelle des Clercs (flèche bleue). À noter que depuis la création de la nouvelle place, la rue Saint- Étienne porte le nom de rue Lambert Lombard*.

* Lambert Lombard est un artiste liégeois de la Renaissance (XVIe siècle), à la fois peintre, architecte, graveur, archéologue, collectionneur, numismate, homme de lettres, historien de l’art et maître d’une académie de grande réputation (source Wikipédia).

 

plan liege annees 1960.jpg
Plan des années 1960. À l’époque, comme depuis plusieurs siècles, l’emplacement de l’actuelle place Saint-Étienne est bâti (la croix), compris entre les étroites rues Saint-Denis et Saint-Étienne.

 

rue saint-etienne_liege_debut XXe.jpg
La rue Saint-Étienne au début du XXe siècle, photographiée depuis la place Saint-Denis. L’inscription sur l’immeuble de droite rappelle que se tenait là autrefois un marché au beurre (nous en reparlerons plus loin). Quant à la flèche, elle désigne l’hôtel de Copis, demeure de style Louis XVI qui porte le nom de la famille qui l’a possédée aux XVIIIe et XIXe siècles (jusqu’en 1869). Dès 1913, le bâtiment devient propriété de la Ville qui y installera divers services communaux, dont le service des eaux*.

* Liège possède son propre service des eaux (captages de Hesbaye) avant de faire partie, en 1979, d’une intercommunale devenue la CILE en 1982.

 

rue saint-etienne_liege_debut annees 1960.jpg
L’immeuble qui portait l’inscription « Marché au beurre » sur la photo précédente, le voici au début des années 1960, en attente de démolition (dans le fond, on aperçoit une partie de la collégiale Saint-Denis). Démolition préparatoire à la construction d’un imposant building consacré au parcage automobile, avec un rez-de-chaussée destiné à l’horéca.

 

chantier parking saint-denis_liege_debut annees 1960.jpg
Le chantier au début des années 1960 ▲ et le parking Saint-Denis de nos jours ▼

parking saint-denis_liege_2014.jpg

Au début des années 1960 aussi, le Grand Bazar de la place Saint-Lambert s’étend par l’arrière, du côté de la rue Saint-Gangulphe*. Tout un îlot d’immeuble est démoli entre les rues Saint-Étienne et Saint-Denis, pour y ériger une extension du célèbre grand magasin. Extension moderne qu’on appellera le « hall Saint-Denis ».

* Du nom d’une église aujourd’hui disparue, autrefois dédiée à ce saint martyr mort en 760.

  Suivent cinq photos du chantier du début des années 1960 :

chantier hall saint-denis grand bazar-liege (1).jpg
À gauche : la rue Gérardrie. À droite : l’hôtel de Copis.

 

chantier hall saint-denis grand bazar-liege (2).jpg
À gauche : la façade arrière du Grand Bazar.

 

chantier hall saint-denis grand bazar-liege (3).jpg
À l’arrière-plan : la rue Saint-Denis.

 

chantier hall saint-denis grand bazar-liege (4).jpg
À l’arrière plan : la maison « Inca », la rue Saint-Gangulphe et le building de l’Innovation.

 

construction hall saint-denis-liege.jpg
Le hall Saint-Denis en cours de construction, occupant la superficie de l’actuelle place Saint-Étienne. Le chalet suisse, sur le toit, préfigure la future piste de ski qui fera le bonheur des visiteurs dans les années 1960.

Cette piste de ski, on la retrouve sur la photo ci-dessous, prise en 1965 :

grand bazar-piste ski-liege-annees 1960.jpg

piste ski grand bazar-liege-annees 1960.jpg
La piste de ski du mythique Grand Bazar est une attraction qui a marqué son époque.

 

maquette grand bazar liiege_annees 1960.jpg
Pour que la nouvelle annexe Saint-Denis et le grand magasin d’origine ne constituent qu’un seul bloc, une imposante passerelle vitrée a été aménagée pour en relier les étages par dessus la rue Saint-Gangulphe, comme on peut le constater sur la maquette ci-dessus.

 

vue aerienne_liege_dreze 1979.jpg 
Vue aérienne de 1979. À cette date, le Grand Bazar a fait faillite depuis deux ans, et les locaux du côté place Saint-Lambert ont été repris en juin 1978 par la firme Sarma-Penney. Quant au hall Saint-Denis (la flèche), il est maintenu en activité par un groupe de commerçants indépendants (Agimpex). C’est le début du centre commercial Gérardrie.

 

sarma lux_place saint-lambert_liege_1980.jpg
Le Sarma Lux dans les locaux de l’ex-Grand Bazar en 1980.

 

galerie gerardrie-liege-2000.jpg
La galerie Gérardrie en l’an 2000, vue depuis la rue Gérardrie.

 

galerie gerardrie-passerelle-liege-2000.jpg
La galerie Gérardrie en l’an 2000, vue depuis la rue Saint-Gangulphe.

 

demolition galerie gerardrie-liege-2003(1).jpg
Même endroit que la vue précédente, en janvier 2003. La passerelle a disparu (décembre 2002), et l’arrière des bâtiments de l’ex-Grand Bazar sont en cours de démolition, chantier préparatoire à la construction des actuelles galeries Saint-Lambert.

 

demolition galerie gerardrie-liege-2003(2).jpg▲ Février 2003. La galerie Gérardrie (Agimpex) ne va tarder à disparaître à son tour. Dans le plan global d’aménagement du quartier, il est en effet prévu d’aménager là une nouvelle petite place conviviale ▼

demolition galerie gerardrie-liege-2003(3).jpg

 

vue aerienne_chantier galeries saint-lambert_liege_2003.jpg
Le chantier des galeries Saint-Lambert en juin 2003.

 

chantier galeries saint-lambert_liege_sept 2003.jpg
Du côté de la place Saint-Lambert en septembre 2003 (seule subsiste la façade classée de l’ancien Grand Bazar) ▲ et juin 2004 ▼

chantier galeries saint-lambert_liege_2004.jpg
La future entrée vitrée des galeries Saint-Lambert est établie à l’emplacement de l’ancienne rue Maillard*, ruelle étroite qui reliait la place Saint-Lambert et la rue Saint-Gangulphe.

* Du nom d’un guerrier nommé Jean Colin, dit Maillard (il était armé d’un maillet), personnage légendaire du Pays de Liège au Xe siècle ; il aurait continué de se battre après avoir eu les yeux crevés.


Cette ruelle Maillard, on l’aperçoit entre les grands magasins sur cette photo de 1979 :

bon marche-liege-1979.jpg

 

chantier galeries saint-lambert_liege_aout 2003.jpg
Août 2003. À l’avant-plan, c’est l’emplacement de l’actuelle place Saint-Étienne. Dans le fond, grâce à la trouée occasionnée par la démolition de certaines parties de l’ancien Grand Bazar, on aperçoit l’îlot Saint-Michel de la place Saint-Lambert, complexe inauguré en septembre 1999 (voir autre article).

 

place saint-etienne-liege-avril 2004.jpg
Sur l’espace dégagé entre les rues Saint-Étienne et Saint-Denis, sont d’abord installés les bureaux modulaires du chantier des galeries Saint-Lambert.

 

place saint-etienne-liege-juin 2004.jpg
▲ Juin 2004. À trois mois de l’ouverture des galeries Saint-Lambert, il est temps de préparer le terrain en vue de l’aménagement de la petite place conviviale promise ▼

chantier galeries saint-lambert_liege_juin 2004

 Au fait, comment va-on l’appeler, cette nouvelle place ? On envisage un moment de la dédier à une Liégeoise célèbre (peu de voiries, en effet, portent le nom d’une femme), mais quand le collège communal se décide, il conserve l’appellation « Saint-Étienne » en souvenir du passé des lieux. Rappelons que la rue Saint-Étienne est parallèlement renommée rue Lambert Lombard.

 

5c0fe-1338653372

La place Saint-Michel en 2005, six mois avant son inauguration officielle le 2 septembre.

 

place saint-etienne-liege-dec 2007.jpg
La fontaine que l’on voit à l’avant-plan a été inaugurée le 22 novembre 2007.

 

 fontaine-place saint-etienne-liege-2007.jpg
La fontaine, réalisée par l’artiste hennuyer Émile Desmedt, se compose d’une imposante vasque de cuivre. L’eau qu’elle contient est éclairée de l’intérieur et forme une vague à intervalles réguliers. La cuve est recouverte d’une mosaïque de céramique bleue représentant la voûte céleste.

Cette fontaine est une étape supplémentaire dans la réalisation de la place, appelée à devenir l’une des plus belles de la ville, mais le décor qui l’entoure rompt le charme, avec un immense mur pour le moins inesthétique et des immeubles en cours de restauration.

 

place saint-etienne-liege-2014.jpg
Même angle de vue que sur la photo précédente. En attendant une rénovation complète de l’immeuble concerné, le grand mur au fond de la place a été recouvert en août 2011 d’une vaste bâche décorative comportant les portraits de 140 Liégeois de toutes origines. Cette œuvre intitulée « Liège rencontre des cultures » est due au photographe Samuel Nicolaï. Au centre, à l’arrière-plan, à la place d’un chancre urbain, s’est ouvert récemment un luxueux hôtel 4 étoiles, l’Amosa Centrum.

 

place saint-etienne-liege-2014(2).jpg
De l’autre côté de la place, l’ancien hôtel de Copis, restauré de 1997 à 2003, est devenu le siège de la société Meusinvest, qui propose des solutions de financement pour la création et la croissance des entreprises.

 

L’immeuble Baar-Lecharlier

mur maison baar lecharlier-liege-2003.jpg
Visible depuis la démolition de la galerie Gérardrie (la photo ci-dessus date de mai 2003), cet horrible mur qui fait tache dans l’aménagement de la nouvelle place est en fait à l’ arrière d’un immeuble bien plus beau à regarder quand on se trouve place Saint-Denis (photo ci-dessous) :

place saint-denis_liege_2014.jpg

Il s’agit d’un bâtiment de style Renaissance, maison canoniale construite au milieu du XVIe siècle sur les encloîtres de la collégiale Saint-Denis. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il a été le siège de la Poste impériale de et pour Cologne.

En 1870, le bien est vendu à la famille Baar-Lecharlier, négociants en lingerie-chemiserie-mercerie, lesquels le transforment en 1911 pour y établir les magasins et bureaux de leur firme.

En 1952, c’est le Grand Bazar voisin qui y installe des bureaux et un réfectoire pour le personnel.

Dans les années 1980, le rez-de-chaussée devient un restaurant appelé « Le Fiacre », qui fermera ses portes en 2005. Les lieux restent abandonnés jusqu’en septembre 2011, quand l’ASBL R7 y ouvre une galerie d’art, avec bar et possibilité de concerts et soirées musicales. L’établissement doit fermer en juillet 2013 à la suite de plaintes pour nuisances sonores.

Le bâtiment est alors racheté par un consortium immobilier constitué de Meusinvest, Moury Construct et François Fornieri (patron de Mithra Pharmaceuticals). Il devrait être consacré à la promotion de l’entrepreneuriat en Wallonie. Au niveau de la place Saint-Étienne, on espère la suppression du mur aveugle qui cache des éléments architecturaux anciens.

En attendant, voici quelques vues anciennes du côté de la place Saint-Denis :

place saint-denis_liege_fin XIXe.jpg
L’immeuble Baar-Lecharlier avant les transformations de 1911.

 

place saint-denis_marche beurre_liege_avant 1911.jpg
Le marché au beurre (et aux fromages)* se tient là depuis 1835, année où l’on installe une fontaine à l’usage des marchands.

* Ce marché s’est perpétré jusqu’aux années 1960.

 

place saint-denis_liege_1920.jpg
▲ La place Saint-Denis dans les années 1920 ▼

place saint-denis_liege_1920 (2).jpg

 

1eea7-502092247

Dessin de notre ami saint-clausien Tony Bergmans.

 

Actualisation de cet article écrit en 2014

En 2019, Meusinvest et associés deviennent Noshaq, du nom de la plus haute montagne d’Afghanistan avec ses 7.492 mètres, ce qui symbolise que la société d’investissements vise des sommets, élevés mais accessibles.

Début juillet 2020, le holding Noshaq annonce la restauration de l’immeuble Baar-Lecharlier, qui deviendra un hub créatif et offrira des bureaux à la location.

Du côté de la place Saint-Michel, le mur couvert de photos sera remplacé par une façade vitrée :

Façade vitrée

 

Merci de partager ou de laisser un commentaire si vous avez apprécié cet article  🙂

10 commentaires sur “Les origines de la place Saint-Étienne

  1. Merci pour ce magnifique blog, vous répondez à toutes les questions que je me suis toujours posé sur la ville. Continuez comme ça 🙂 [je suis vraiment admiratif de votre travail]

    J’aime

  2. merci tout plein ! c’est un merveilleux moment que je viens de vivre. Des vues qui datent de mes grands parents qui étaient des fieffés ( au bon sens du terme!) liégeois fiers de leur ville et maman qui a suivi leur route, comme toute la famille d’ailleurs. Bravo et félicitations très sincèrement toute mon admiration. Bonne continuation!

    J’aime

  3. Bravo pour votre travail qui est toujours une mine abondante d’infos recoupées. Une vraie mémoire vivante de LIEGE et toujours plein de découvertes ou d’évocation nostalgiques pour les liégeois intéressés par leur ville et où l’histoire. Bonne continuation!

    J’aime

  4. Il est parfois bon de revenir en arrière dans le temps . Magnifique documentation. L’hôtel de Copis à été également le siège du Commissariat de la 1 ère division où j’ai travaillé en 1983

    J’aime

Laisser un commentaire