La basilique Saint-Martin sur le Publémont*, dominant le boulevard de la Sauvenière. Vue aérienne de 2005.
* Le publicus mons, la montagne publique, colline occidentale de la ville.
La colline du Publémont au début des années 1960.
Les origines
En 959, c’est l’évêque Éracle qui accède aux commandes du diocèse de Liège. Il sait que c’est la Meuse, cent ans plus tôt, qui a amené les envahisseurs normands ; que c’est la Meuse, encore, dont les crues régulières inondent les îlots de la cité. Les hauteurs du Publémont lui paraissent un site « abrupt et rassurant », facilement fortifiable. C’est là qu’il envisage de déménager la résidence épiscopale et de faire ériger une nouvelle cathédrale consacrée à saint Lambert et à la Vierge Marie.
L’intention se concrétise dès 965, ce qui provoque la fureur de la population, attachée au maintien du centre-ville dans la vallée, sur le site du martyre de saint Lambert (voir cet autre article).
Éracle finit-il par céder à la pression populaire ? Ou sa mort en 971 survient-elle sans qu’il ait achevé son œuvre ? On l’ignore. Une certitude : l’église du Publémont ne deviendra pas la nouvelle cathédrale de Liège, mais une collégiale dédiée à saint Martin de Tours*. D’autant plus que c’est dans la vallée que Notger, qui succède à Éracle en 972, veut continuer de faire battre le cœur de la cité.
À la collégiale, est attaché un chapitre de chanoines, avec les bâtiments claustraux qui leur sont nécessaires.
* Atteint d’une tumeur cancéreuse au cerveau, Éracle aurait été guéri miraculeusement à la suite d’un pèlerinage au tombeau de saint Martin, à Tours (France). Légende qui expliquerait le choix final de ce patronage.
Le mausolée d’Éracle dans le chœur de l’actuelle basilique Saint-Martin.
Cette petite sculpture, encastrée sous une fenêtre dans le mur du transept sud, date du XIVe siècle. Elle représente le jeune Martin, cavalier romain en garnison à Amiens, tranchant son manteau pour en donner la moitié à un pauvre en guenilles.
Cette scène se déroule au cours de l’hiver 338-339. Elle est le point de départ de la conversion de Martin, militaire issu d’une famille païenne, qui deviendra l’apôtre de la Gaule, moine-missionnaire puis évêque de Tours.
Cette reconstitution nous reporte au XIIe siècle. La flèche désigne la collégiale romane Saint-Martin, incluse dans les remparts du Publémont. Le cours d’eau est un bras de la Meuse devenu le boulevard de la Sauvenière.
L’institution de la Fête-Dieu
Au cours du XIIIe siècle, la réputation de la collégiale devient universelle. C’est dans cette église qu’est célébrée pour la première fois la Fête-Dieu, ou fête du Saint-Sacrement, instituée en 1246 sur les instances de Julienne de Cornillon et de la recluse Ève de Saint-Martin.
En juin 1946, pour célébrer le 700e anniversaire de la Fête-Dieu, deux cortèges ont eu lieu à Liège, l’un dans les rues du quartier Saint-Laurent ▲ et l’autre sur la Meuse ▼
À propos du cortège fluvial, voici la péniche dont le thème était les métiers de Liège. Y sont représentés les charbonnages et les usines métallurgiques, placés sous la protection divine : les clochers de la cathédrale Saint-Paul et de la basilique Saint-Martin.
Le Mal Saint-Martin
Au début du XIVe siècle, la principauté de Liège est secouée par des luttes sociales. Un épisode sanglant en est le Mal Saint-Martin*.
* Les appellations « la Male Saint-Martin » ou « le Mâl Saint-Martin » sont des déformations des textes originaux dues aux chroniqueurs postérieurs dont Jean d’Outremeuse. Le « Mal Saint-Martin », c’est en réalité le mal qui est advenu à Liège en la basilique Saint-Martin.
Les nobles et patriciens liégeois s’opposent à la corporation des métiers. Dans la nuit du 3 au 4 août 1312, les « Grands » incendient la halle aux viandes. En riposte, les « Petits » se rassemblent sur la place du Marché, puis refoulent leurs adversaires vers le Publémont. Assaillis par les paysans et houilleurs de Sainte-Marguerite, cent cinquante nobles se réfugient dans l’église Saint-Martin. Les gens du peuple boutent le feu à l’édifice, faisant périr tous ceux qui s’y sont enfermés.
Ce bas-relief, sur la façade occidentale du palais provincial de Liège, représente la mise à feu de la collégiale Saint-Martin.
Ce montage est censé évoquer l’incendie de la collégiale lors du Mal Saint-Martin. L’auteur s’est probablement inspiré d’une vue contemporaine, comme celle ci-dessous (datant de 1930), oubliant qu’à l’époque du sinistre, l’édifice était roman et non gothique.
À la suite de cet épisode catastrophique, une partie seulement de l’église est rendue au culte, après quelques réparations urgentes. La revalidation complète des lieux va se faire par étapes et durer près de deux siècles.
La reconstruction
On commence par restaurer la tour. Il est attesté qu’on y travaille en 1377 et que le gros-œuvre est terminé en 1413.
Un nouveau malheur survient en 1468 : les troupes de Charles le Téméraire se livrent à un pillage effréné. La collégiale échappe heureusement à un nouvel incendie.
Dès 1506, sous le règne du prince-évêque Érard de la Marck, il est décidé de reconstruire le chœur et la nef. Les travaux vont durer de 1511 à la fin du siècle, confiés successivement aux architectes Paul de Ryckel et Arnold van Mulcken. Le nouvel édifice est un magnifique spécimen d’architecture gothique.
Liège en 1574, fragment d’une gravure sur cuivre de Franz Hogenberg. Le cercle rouge entoure la collégiale Saint-Martin (cliquez sur l’illustration pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre).
Procession de la confrérie du Saint-Sacrement en 1575.
Gravure de Remacle Le Loup en 1738. Il est visible que la tour n’a pas été bâtie au XVIe siècle comme le reste de l’église, mais beaucoup plus tôt.
À la fin du XVIIIe siècle
À la suite du rattachement de la principauté de Liège à la France, la collégiale est fermée au culte dès 1796 et devient un temple de la Victoire (bâtiment où l’on célèbre l’anniversaire de la République). Elle échappe ainsi à la mise en vente comme bien national, mais son mobilier est bradé à des prix dérisoires.
Au XIXe siècle
Après le Concordat de 1801, elle devient une église paroissiale. tandis que la collégiale Saint-Paul est élevée au rang de cathédrale.
Laissée longtemps sans entretien, l’église Saint-martin s’est dégradée. Quand la Belgique devient indépendante en 1830, elle menace en certains endroits de tomber en ruine, et le nouveau pouvoir n’a pas les moyens de financer la moindre réparation.
Il faut attendre 1840 pour que d’importants travaux de rénovation soient entrepris sous la direction de l’architecte Jean-Charles Delsaux*.
* Cet architecte sera aussi l’auteur, de 1849 à 1853 , de l’aile occidentale ajoutée au palais de justice, dans un style s’inspirant de l’ensemble, pour y loger les bureaux du gouvernement provincial.
Aquarelle du Britannique Joseph Fussell : l’église Saint-Martin vers 1835-1840, avant les restaurations de l’architecte Jean-Charles Delsaux. À remarquer le petit cimetière à l’avant-plan.
Un enterrement, semble-t-il, sur cette autre œuvre de Joseph Fussell.
Entre 1868 et 1871, l’architecte Eugène Halkin dirige les travaux de réfection de la tour du XIVe siècle, dont on reconstruit les étages supérieurs.
L’église à la fin du XIXe siècle. En 1886, elle a été élevée par le pape Léon XIII au titre honorifique de basilique.
Au début du XXe siècle
En 1906. Dans l’ovale rouge, au-dessus du pignon du transept, se dresse depuis 1865 une énormes statue de saint Martin.
Cette statue en granit représente saint Martin en train de bénir la ville.
Carte postale utilisée en 1908.
Carte postée en 1912.
La basilique actuelle
La basilique de nos jours, grâce aux rénovations entamées au début des années 1990, subsidiées par la Région wallonne.
La basilique et le Mont Saint-Martin
Carte postale utilisée en 1903.
En 1961.
En 2003.
Depuis le faubourg Saint-Laurent
1938. Le Mont Saint-Martin avant sa jonction avec la rue Saint-Laurent. À la hauteur du mur tapissé d’affiches, se trouvait autrefois une porte fortifiée permettant de franchir les remparts de la ville. La voici en 1735 (Léon Béthune, Recueil de vue rares du vieux Liège) :
La dame et l’enfant se dirigent vers les fossés de Saint-Martin. En passant l’arvô (le passage voûté), on arrive aux degrés des Tisserands sur la gauche et au Mont Saint-Martin après un coude à droite. La collégiale Saint-Martin est masquée par la muraille de droite.
Ce qui reste de la porte Saint-Martin en 1815, vue cette fois depuis l’intérieur de la ville. Au-delà de l’arcade, commence le faubourg Saint-Laurent.
Ce plan d’alignement (cliquez dessus pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre) est adopté en 1847 ; il envisage la suppression de la porte et la création d’une voirie pour relier le Mont Saint-Martin et la rue Saint-Laurent. L’ancien ouvrage fortifié sera détruit en 1849.
Saint-Martin depuis le boulevard de la Sauvenière
Vers 1860.
Entre 1925 et 1928.
Fin des années 1950.
En 1960.
En 2009.
Et dans l’autre sens :
Au milieu du XIXe siècle.
Au tout début du XXe siècle.
Dans les années 1930.
Dans les années 1950.
Au début des années 1960.
Dans les années 1970.
En 2008.
Toujours très intéressant…. bravo !
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Merci !
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