Autre article concernant cet emplacement et ses environs immédiats :
http://histoiresdeliege.skynetblogs.be/archive/2014/01/07/sur-les-traces-de-la-collegiale-saint-pierre-8035019.html.
Le plan ci-dessus date de 1827 (cliquez dessus pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre), il nous reporte à la veille de l’indépendance de la Belgique.
La butte où se trouve la rue Saint-Pierre domine de tout près la façade occidentale du palais, et seule une volée d’escaliers, les degrés de Saint-Pierre, permet de descendre vers la place Saint-Lambert.
Il n’existe là aucune voie carrossable qui mette le centre-ville en communication directe avec la rue Neuve (la future rue de Bruxelles), artère promise à un grand avenir. Ce sont les habitants des quartiers élevés de l’ouest (Saint-Séverin, Saint-Martin…) qui réclament cette nouvelle voie, vu notamment les difficultés qu’ils rencontrent avec leurs charrettes en empruntant la rue Haute-Sauvenière, trop étroite et trop pentue.
L’idée d’ouvrir une percée (la flèche) entre la place Saint-Lambert et la rue Neuve naît dès la fin des années 1830, mais les discussions entre les autorités nationales, provinciales et communales, à propos surtout de leur contribution respective, traînent jusqu’en 1844.
Les expropriations d’immeubles commencent en 1845, et la nouvelle voirie est percée l’année suivante (la flèche sur le plan qui suit). Elle s’appellera la rue Notger, du nom du premier prince-évêque de Liège à la fin du Xème siècle.
Vu les différences de niveau, un pont est prévu pour qu’elle puisse passer sous la rue Saint-Pierre, avant que celle-ci n’entame sa descente en pente raide (1) vers les rues Neuve (2) et Derrière le Palais (3), à proximité des anciennes écuries du palais transformées en caserne de hussards (4).
Sur cette gravure du milieu du XIXe siècle, on aperçoit le pont Notger à gauche du palais. Pont qui disparaîtra en 1860 (photo suivante) :
En 1842, on projette de restaurer le palais de la place Saint-Lambert, déjà destiné à la justice, pour y transférer le siège du gouvernement provincial, établi jusque-là dans l’ancien couvent des Bons Enfants (voir plan de 1827 au début de cet article). L’incendie de ce couvent, en 1845, précipite les événements.
Le projet de restauration du palais est soumis à un concours que remporte l’architecte Jean-Charles Delsaux. La caserne annexée au palais est rasée, et la façade occidentale est totalement remaniée de 1849 à 1853, avec l’ajout d’un hôtel provincial dont le style néogothique s’accorde parfaitement avec l’ensemble. La rue Notger est élargie et rectifiée pour la rendre parallèle à la nouvelle aile du palais.
Le dessin ci-dessus idéalise la façade de Delsaux en la montrant précédée d’une vaste esplanade destinée à la flânerie. En réalité, seule une petite partie de la butte a été enlevée de 1849 à 1853, et les abords du nouvel hôtel provincial ne sont guère aussi dégagés, comme en témoigne la photo ci-dessous, prise probablement vers 1860 :
En 1862, les autorités communales décident de réaménager l’espace en face du palais provincial, pour y créer « un lieu agréable de promenade et de rencontre ». Dès 1867, des travaux de déblaiement et de nivellement sont entrepris pour aboutir à la création du square Notger.
Le document ci-dessus nous reporte vers 1870, pendant la création du square Notger en face du palais provincial. À gauche : les immeubles de la rue Saint-Pierre, au sommet de la butte en partie enlevée. À droite : la rue Neuve devenue la rue de Bruxelles en 1863.
Le square Notger (photo d’Auguste Florenville, MVW) après l’aménagement en 1872 du rocher et de ses décorations florales.
Le palais provincial et le square Notger à la veille du XXe siècle.
La façade du palais provincial vers 1900, vue depuis la gare du Palais première du nom, inaugurée en 1877.
Vers 1900 dans l’autre sens. Les immeubles cossus, le long de la pente de la rue Saint-Pierre, ont été bâtis en 1878.
Carte postée en 1907.
Sur la gauche du square, c’est un escalier monumental qui a été aménagé pour descendre place Saint-Lambert. Il a repris l’appellation de la volée de marches d’antan : les degrés de Saint-Pierre, dont voici quelques vues datant du début du XXe siècle :
La place Saint-Lambert vue depuis les degrés (de) Saint-Pïerre,
vers 1905 ▲ et 1973 ▼
Ci-dessus, le square Notger et Pierreuse avant 1905. Ci-dessous, après 1905, avec la gare du Palais deuxième du nom, construite à l’occasion de l’Exposition universelle :
La carte colorisée ci-dessus met en évidence la gare de 1905, mais aussi la statue Montefiore-Levi, installée là en 1911.
Ce monument modern’style est l’œuvre du statuaire liégeois Oscar Berchmans (1869-1950), élève de Léon Mignon. Il est dédié aux époux philanthropes Hortense et Georges Montefiore-Levi. Il s’agit d’un groupe allégorique en bronze : une jeune femme aux formes épanouies prend sous sa protection deux enfants frêles et tourmentés. L’ensemble symbolise la charité.
À la fin des années 1970, à la suite de la destruction du Square Notger, le monument Montefiore-Levi est démonté et stocké dans un dépôt de la Ville de Liège. Restauré en avril 1995, il est placé dans la cour de l’Hôtel Somzé, siège de l’échevinat de l’Environnement, en Féronstrée. En 2012, conformément au souhait de l’architecte Claude Strebelle, la statue reprend place non loin de son emplacement originel, dans le cadre des extensions du Palais de Justice, aux escaliers dits « degrés des Dentellières », qui relient la rue du Palais à la rue Pierreuse :
Revenons-en au square Notger d’antan. Le voici de 1954 au début des années 1970 :
La fin du square
Ci-dessous, deux vues prises en 1969 :
Milieu des années 1970. Les démolitions qui sévissent place Saint-Lambert vont bientôt frapper le square Notger et la gare du Palais.
Ci-dessous, deux photos de la démolition du square en 1977, puis le chantier qui a suivi :
1988, les cages d’ascenseurs éphémères d’un immeuble qui ne sera jamais terminé !
La place Saint-Lambert en 1992.
En 2006.
Devant cette façade du palais (photo de 2013), l’espace vert porte de nos jours le nom de place Notger.
Depuis le haut de l’îlot Saint-Michel, de nouveaux « degrés Saint-Pierre » permettent de descendre place Saint-Lambert… À comparer avec cette vue de 1960 :
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Merci Claude pour tous ces souvenirs, j’en ai la larme à l’œil en revoyant la square Notger. Personnellement, je l’ai fréquentée depuis le début des années 60 jusqu’à la fin vers 75, tant que le théâtre du Gymnase y faisait fonction.
Les personnes qui ont décidés de sa suppression devraient-être pendu haut et court pour crime contre l’urbanisme tellement le coin était beau et apaisant.
Encore merci et à bientôt
Ton ami Pierre
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notre bonne vieille ville était si belle….avec ses coins pittoresques,ses jolis parcs,tel le square Notger…
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Merci Claude, grâce à tes photos et ta précision dans la succession des événements, nous revivons une page de l’histoire de Liège. Je crois pouvoir affirmer, sans crainte de me tromper, que tous les liégeois qui ont connu le square Notger le regrettent amèrement.
Sa destruction est une des plus grosses erreurs urbanistiques que Liège ait connue.
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bjr a vous et merci pour ces belles photos et les commentaires qui les accompagne , les souvenirs sont encore bien là .
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…toujours aussi passionnant et instructif (et dans ce cas, aussi bien triste! )
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nostalgie quand tu nous tiens!!!!! Pourquoi sacrifier l’âme d’une si belle ville sur l’hôtel
De la modernité ?, N’était t il pas possible de trouver un compromis??? Dommage!!!
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Je suis Bresilienne et j’adore beaucoup cette ville, je dejá habité á Liége et toujours je passe 10 jours on ville.Je pense en acheter un imeuble ä Liege car je me sens chez moi parmi les Liegeois.
Quand je regarde les photos , je trouve bien plus belles la vieille ville, quel charme de ces escaliers, quel nostalgie de ces beaux jours lá les quels je n’a pas connu.
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Mes parents avaient ouvert un restaurant rue St Pierre dans l’ancienne maison du prince éveque Velbruck. Je me souviens aussi du Circolo Sociale Italianno qui faisait l’angle d’une petite rue qui arrivait rue de Bruxelles. Quel plaisir d’aller jouer tous les jours sur les degrés St Pierre ou dans le square. Quel désastre. Mais bravo pour les recherches
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Je n’avais pas connaissance de ce square. Dommage en effet qu’on l’aie supprimé. Chouettes articles que je lis petit à petit (il y a beaucoup). C’est passionnant.
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Merci pour tous vos articles, M. Warzée ! Né (à Liège) en 1985, mais n’y habitant réellement que depuis 2008, quel plaisir de pouvoir découvrir la vile telle qu’elle était avant. Je souris quelque peu à la lecture des commentaires nostalgiques (même s’il est vrai que le square était très beau !) car je trouve, à la vue des nombreuses photos d’archive que vous possédez, que la ville est plus belle aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis des décennies, avec bien plus d’arbres et de zones dégagées qu’auparavant… Même si on peut toujours faire mieux et que des erreurs urbanistiques nombreuses ont été commises dans la deuxième moitié du 20ème siècle…
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Etant au Collège St Servais de 1968-69 à 1974-75, dans le cadre d’un cours de français, nous avions dû prendre un abonnement au Théâtre du Gymnase … et prendre « un verre » à la fin dans un café tout proche qui avait une grande banquette ronde (nom?). Une époque! Merci pour cette page très bien documentée et présentée. Michel G (1956).
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Je vous félicite monsieur superbe document encore bien que vous faite.
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Merveilleux souvenirs de ce parc où m’emmenait ma mère dans les années ’50-’55; j’avais 5 à 10 ans et ce mini-jardin me semblait bien grand, en plein centre-ville. Nous nous installions sur le banc qui se trouvait sur la partie la plus haute du parc, jusqu’au jour où une voiture folle, dévalant le rue qui conduisait vers les degrés St Pierre, est tombée verticalement dans le parc, à l’emplacement du banc … heureusement vide ! Ce qui allait nous faire choisir un autre banc par la suite … 🙂 La destruction de ce point vert à été une injure aux Liégeois !
Merci pour vos articles
(Un Liégeois des quartiers St. Laurent, Ste. Marguerite, rue Bidaut, Hullos, de l’Aumonier, …)
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Que de souvenirs,merci j ai habite rue Haute Sauveniere dans les années 60 et je me souviens comme si c était hier de ce quartier à la fous paisible et plein de vie.
Marta
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Mes grands-parents habitaient rue Pierreuse, avec vue sur la rue de Bruxelles et dans les années 50, j’allais jouer au Square Notger, y roulant en trottinette ou à vélo. Il y avait un magnifique magnolia et c’était un splendide coin de verdure au centre de liège. Sa destruction, ainsi que celle des immeubles de la Place St-Lambert et de l’ancienne Place Verte, m’a brisé le cœur. Suite à un échange d’étudiants dans les années 80, j’ai eu beaucoup de mal à expliquer à un jeune Autrichien la présence des 2 tours d’ascenseurs.
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J’ai fréquenté ce quartier et monté les marches pendant mes années étudiantes de 66 à 73 pour aller chez mon oncle qui avait un salon de coiffure en haut des degrés. C’était le coiffeur ROBERT…
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Quel gâchis !!!
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