Le Haut-Pré

Plan actuel du Haut-Pré, sur les hauteurs de Sainte-Marguerite (cliquez dessus pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre) :

© Contributeurs de OpenStreetMap.

 

L’endroit tient cette appellation, depuis au moins le XVIe siècle, de son aspect champêtre : partout, ce ne sont que bois, terrains de culture ou pâturages, avec quelques habitations isolées de cultivateurs ou de pauvres artisans.

 

Ce fragment de la carte Ferraris* témoigne de l’aspect rural des lieux à la fin du XVIIIe siècle.

* Carte des Pays-Bas autrichiens établie entre 1770 et 1778 par le comte Joseph de Ferraris, directeur de l’école de mathématique du corps d’artillerie des Pays-Bas.

 

Ce qui va modifier totalement la configuration du Haut-Pré, c’est l’implantation d’une station ferroviaire dans la quatrième décennie du XIXe siècle.

En 1838, une voie ferrée relie Bruxelles déjà à Ans, mais les trains ne peuvent accéder à la cuvette liégeoise à cause de la trop forte déclivité. C’est grâce au plan incliné imaginé par l’ingénieur Henri Maus (inspecteur général des Ponts et Chaussées) que le problème est résolu. Le chantier débute en 1938 et une première gare peut être aménagée en 1842 dans le quartier des Guillemins. Pour descendre, il faut faire confiance aux freins du convoi ; pour monter, c’est tout un ensemble de treuil et de câbles qui est sollicité.

En réalité, ce plan incliné est double, car un palier central est établi au Haut-Pré, où sont installées les imposantes machineries à vapeur qui actionnent le système.

 

La gare des Guillemins en 1845 (fragment d’une lithographie gouachée de J-B GRATRY).

On aperçoit la début du plan incliné qui mène à la station du Haut-Pré.

 

Le bâtiment des machines du Haut-Pré au milieu du XIXe siècle. La tour carrée, à l’horizon, est celle de la basilique Saint-Martin.

 

Cette lithographie provient de l’ouvrage de Henri Borremans, Vues perspectives des stations et travaux d’art des chemins de fer de la Belgique, Bruxelles 1845. Elle fait partie des collections artistiques de l’université de Liège. Elle montre la station ferroviaire du Haut-Pré en 1843, cette fois dans le sens de la montée. À l’arrière-plan, il s’agit de l’église Notre-Dame des Lumières de Glain.

 

Les machines à vapeur fabriquées par l’usine Cockerill. L’ingénieur en chef de cette firme, Henri Brialmont, a aidé Henri Maus à mettre au point les plans inclinés de Liège-Guillemins à Ans.

 

Les plans inclinés en 1849. Le haut du dessin représente la gare des Guillemins ; le bas, la station du Haut-Pré, où existe, en plus des installations techniques, une modeste gare en bois.

 

Autre dessin d’époque du plan incliné. On reconnait l’hôpital militaire de Saint-Laurent (1) et la basilique Saint-Martin (2). En bas à gauche, il s’agit d’une cabine de surveillance comme il en existe plusieurs sur le parcours.

 

Le plan incliné dans le Journal universel de 1849.

 

Une cabine de surveillance.

 

Un train Bruxelles-Liège (ligne 36) sur le plan incliné au début du XXe siècle ▲ et le Thallys en 2006 ▼

 

Toute cette machinerie complexe cesse d’être utilisée en 1871-72. Les locomotives sont devenues plus puissantes, et les trains les plus lourds sont désormais allégés, c’est-à-dire poussés dans la montée par une locomotive supplémentaire placée à l’arrière. Les bâtiments du Haut-Pré sont démolis en 1879.

 

Une locomotive d’allège, au départ des Guillemins (photo extraite du site Rixke Rail’s archives).

 

Le site de Haut-Pré demeure cependant un arrêt pour les trains omnibus. Un bâtiment en planches servant de première gare est remplacé en 1877 par une station plus importante, dont voici trois photos du début du XXe siècle :

 

La gare se développe grâce au transport du charbon en provenance des houillères de l’Aumonier et de Bonne-Fin. Des immeubles (habitations et commerces) sont construits en face de la gare, et l’esplanade prend officiellement le nom de place du Haut-Pré en 1890.

 

Plan dressé en 1880 par Hubert-Guillaume Blonden. Les rues Neuve du Haut-Pré et du Haut-Pré sont devenues la rue Dehin. L’actuelle rue du Haut-Pré et la rue Joseph Demoulin n’existeront qu’en 1890.

 

Carte postée en 1910. Le café restaurant du chemin de fer est à l’angle des rues du Haut-Pré et Joseph Demoulin. Remarquez le tramway de la Société des tramways est-ouest et extensions, qui relie la station du Haut-Pré à Cornillon via Saint-Lambert et Sainte-Marguerite.

Le même endroit en 2019 :

 

Gros plan sur le café restaurant du chemin de fer.

En 2019 :

 

Une démonstration de gymnastique sur la place du Haut-Pré, au début du XXe siècle.

 

Un autre établissement Horeca, témoin de la vivacité de la place autrefois.

De nos jours (2019) :

 

La gare du Haut-Pré dans les années 1960.

 

Plan de Rouck du tout début des années 1960. Les pointillés représentent les rues Olympe Gilbart* et Jules de Laminne** qui vont bientôt être ouvertes en direction de la rue Bagolet (voir la fin de cet autre article).

* Le Liégeois Olympe Gilbart (1874-1958), docteur en philologie romane, a été professeur à l’université, militant wallon, rédacteur en chef au journal « La Meuse » et plusieurs fois échevin, notamment de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
** Du nom du chevalier Jules de Laminne (1876-1957), docteur en droit et pionnier liégeois de l’aviation.

 

Le 28 juin 1966, un train de marchandises dont les freins de répondent plus défonce l’enceinte des voies de garage du Haut-Pré et se retrouve à l’intersection des rues Bidaut* et du Général Bertrand** (voir le plan qui précède). Les cheminots ont sauté hors de la locomotive en feu et ne sont que légèrement blessés. L’incendie a endommagé quelques immeubles.

* Le Liégeois Jean Guillaume Eugène Bidaut (1808 – 1868) a été ingénieur des Mines avant de devenir secrétaire général du ministère des Travaux publics. C’est à lui que l’on doit les plans du barrage de la Gileppe, dont il n’a pas vu la réalisation.

** Le général Victor Bertrand s’est illustré lors de la défense des forts de Liège en 1914, puis sur les fronts d’Anvers et de l’Yser.

 

Voici quelques photos prises Louis Clessens après l’accident :

 

Photo de juillet 1970. Penons comme point de repère, dans l’ovale rouge, l’église Saint-Hubert de Burenville, inaugurée en 1962. Les rues Jules de Laminne (1) et Bagolet (2) vont bientôt prendre des allures de voie rapide, à la suite du percement d’une nouvelle artère en direction du bas de Sainte-Marguerite, artère qu’on baptisera avenue de Fontainebleau.

 

Le carrefour de Fontainebleau (Sainte-Marguerite) en 1980. L’avenue de Fontainebleau est visible en haut à droite. On la voit pénétrer dans une « trémie » (comme on dit à Liège), qui lui permet de passer sous les rues Dehin et Demoulin.

 

Cliquez sur cette vue aérienne de 2022 pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre. Lien Google Maps : https://www.google.be/maps/@50.6408344,5.5552047,245a,35y,350.63h,58.55t/data=!3m1!1e3?hl=fr

La place du Haut-Pré (1) et l’emplacement de l’ancienne gare, aujourd’hui disparue. Les voies de garage ont fait place à de grandes surfaces commerciales (2). Le chantier de l’avenue de Fontainebleau a nécessité de nombreuses démolitions, dont tout un côté de la rue Dehin (3). Cette artère qu’on voulait rapide (vitesse limitée de nos jours à 50 km heure), comme déjà vu sur la photo précédente, passe en dessous des rues Dehin et Demoulin (4), complètement métamorphosées.

 

▲ La place du Haut-Pré en 2019 ▼

 

La gare de Liège Haut-Pré a été définitivement fermée en 1993, puis détruite. Il est prévu, pour 2025, dans le cadre du master plan Sainte-Marguerite, de rétablir à cet endroit un arrêt ferroviaire muni d’automates pour la billetterie ; on espère que le réaménagement du quartier entraînera une augmentation de la population, laquelle sera desservie aux heures de pointe par des trains reliant Waremme aux Guillemins et Flémalle.

 

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4 commentaires sur “Le Haut-Pré

  1. comme toujours, très intéressant, surtout depuis que nous avons redécouvert le quartier en allant chercher nos petits-enfants à la crèche et maintenant au foot . Grand merci.

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  2. Riches souvenirs de mon lieu de naissance (1945) -rue de l’Aumônier-et de scolarité (Ecole Félicien Van Dest, rue de Fexhe) jusqu’en 1956 … Merci !

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