Le pont de Coronmeuse (futur pont de l’Atlas V) et son environnement

Coronmeuse est un faubourg situé au nord de Liège, partagé avec la commune de Herstal. L’origine de cette appellation est germanique, l’adjectif « crom » signifiant « courbe », et sa forme médiévale « Cronmouse », en latin « Curvum Mosae », désigne un endroit longeant un méandre de la Meuse (étymologie fournie dans une publication de la CRMSF).

 

Ce plan date de 1919. Vous pouvez l’agrandir dans une nouvelle fenêtre en cliquant dessus.

La flèche désigne la maison de l’éclusier que l’on voit sur la carte postale qui suit. Il s’agit d’une double écluse, l’une (à gauche) donnant accès au canal de Maestricht, l’autre (à droite) permettant de continuer la navigation sur la Meuse, laquelle est presque totalement fermée par un barrage à aiguille qui en régule le cours.

La double écluse de Conronmeuse au début du XXe siècle ▲ et le même endroit (dans le cercle rouge) de nos jours ▼

 

L’écluse du côté du canal de Maestricht, avec son pont-levis.

 

La flèche désigne le barrage à aiguilles sur la Meuse.

 

L’étroit canal de Liège à Maestricht, que l’on voit ici au début du XXe siècle, a été creusé de 1846 à 1850.

 

Le canal de Maestricht dans l’autre sens à l’aube du XXe siècle (à l’arrière-plan, on aperçoit la fonderie de canons) ▲ Il est impossible, de nos jours, de prendre la photo sous le même angle, vu la végétation ; voici donc le même endroit vu en plongée grâce à Google Maps ▼

 

Au niveau de Herstal, le canal de Liège à Maestricht s’élargit pour former un bassin de commerce, servant principalement de port charbonnier.

 

Réexaminons le plan de 1919 et repérons le Tir communal de l’île aux Osiers, les bains publics Delval, l’abattoir de la pointe d’Outremeuse et le champ des manœuvres de Bressoux :

 

Le bâtiment primitif du tir communal a été inauguré en 1862 par le duc de Brabant (futur roi Léopold II). Considérablement agrandi en 1896, il a initialement servi de champ d’exercice aux miliciens de la garde civique, chargés du maintien de l’ordre dans les grandes villes. Au début du XXe siècle, ses jardins servent de lieu de promenade.

 

Cette carte colorisée a été utilisée en 1905. L’abattoir communal est établi à la pointe d’Outremeuse depuis 1868. On le voit ici du côté de la Dérivation, où se déversaient les eaux rougies.

 

Les bains Delval, ouverts en 1869 sur la Meuse, le long de l’abattoir

 

L’abattoir communal, on le retrouve sur la gauche de cette photo. La scène se déroule sur le quai Henvart* le 4 août 1914, quand du bétail en provenance du plateau de Herve est acheminé vers la plaine des manœuvres de l’armée, pour qu’il ne tombe pas aux mains de l’ennemi allemand.

* Il s’agit de l’actuel quai du roi Albert.

 

Photo du 4 août 1914 : les troupeaux rassemblés sur le champ des manœuvres. Autrefois vouée à l’agriculture, cette plaine est devenue un terrain d’entraînement pour l’armée après l’indépendance de la Belgique.

 

En 1930, la Belgique célèbre le centenaire de son indépendance en organisant deux expositions internationales pour témoigner des progrès accomplis en ce siècle d’existence ; l’une se tient à Anvers, l’autre à Liège.

L’exposition d’Anvers se spécialise dans les domaines maritime et colonial. Celle de Liège, dans la grande industrie, les sciences et l’art wallon ancien.

Les sites liégeois choisis pour la circonstance sont, dans le secteur sud, le parc de la Boverie) et, dans le secteur nord, le champ des manœuvres et le parc du Tir communal.

 

Le secteur nord de l’Exposition internationale de 1930, du 3 mai au 3 novembre. Vous pouvez agrandir ce plan dans une nouvelle fenêtre en cliquant dessus.

Le pointillé rouge sur la Meuse représente les trajets des bateaux-mouches. Remarquons l’existence d’un pont construit pour la circonstance, reliant les deux zones du secteur nord de l’exposition. Baptisé le pont de Coronmeuse, il enjambe la canal de Maestricht, la Meuse et la Dérivation.

 

Cette photo a été réalisée par la SABEPA (Société anonyme belge d’exploitation de la photographie aérienne, fondée en 1929).

Le pont de Coronmeuse et le secteur nord de l’Exposition internationale de 1930.

 

La réalisation du pont de Coronmeuse a été confiée en janvier 1927 à la Société générale d’entreprises de construction de Bruxelles, et le chantier a débuté en avril.

L’ouvrage mesure 315 mètres. Il est complètement en béton, non armé pour les voûtes et armé pour le tablier, construit selon les plans établis par le service d’architecture de la voirie communale*. Il présente une architecture et une ornementation beaucoup plus sobre que le pont de Fragnée édifié à l’occasion de l’Exposition universelle de 1905.

* Ce renseignement provient du site www.chokier.com. Je n’ai pas pas trouvé davantage de précision concernant le ou les architectes.

 

Voici quelques photos de la construction du pont en 1928-29 :

À l’arrière-plan : les pavillons de l’Exposition internationale de 1930 en cours de construction.

 

▲ Le pont de Coronmeuse pendant l’Exposition internationale de 1930 ▼

 

Carte postale « nocturne » éditée à l’occasion de l’Exposition internationale de 1930.

 

Cartes postées en 1933 ▲ et 1935 ▼

 

C’est en 1936 qu’il est décidé de doter Liège d’un port autonome au niveau de l’île Monsin, chantier parallèle au creusement du canal Albert, commencé en 1930. Ces aménagements vont mettre fin à l’utilisation du canal Liège-Maastricht. En outre, le pont-barrage de Monsin, inauguré en 1930 pour stabiliser le cours de la Meuse, a permis la suppression du barrage à aiguilles à proximité du pont de Coronmeuse.

 

Le pont de Coronmeuse pendant l’aménagement du canal Albert. Celui-ci sera inauguré en 1939, à l’occasion de l’Exposition internationale de l’eau, organisée à liège sur les sites marqués (1) et (2).

 

Cliquez sur ce plan pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre.

Plan de l’Exposition internationale de l’eau en 1939 ▲ Le pont de Coronmeuse, situé sur la gauche du dessin, se retrouve sur la vue aérienne qui suit ▼

 

Le salut nazi pendant la messe d’inauguration de l’Exposition internationale de l’eau.

Alors qu’elle devait se terminer en novembre, l’exposition ferme ses portes le 2 septembre 1939 à la suite du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale (invasion de la Pologne).

 

Le pont de Coronmeuse est dynamité le 11 mai 1940 pour tenter de retarder l’invasion allemande.

Il est reconstruit en 1943, mais l’année suivante, l’occupant allemand fait exploser la partie centrale avant de prendre la fuite.

 

Le pont est reconstruit en 1946-47, nécessitant 2430 m³ de béton et de 122 tonnes d´acier. Les piles ont été réalisées par la Société Ame Construction, études et ouvraison de Bruxelles. La superstructure est l’œuvre de la firme Mylle Frères d´Ostende.

L’ouvrage est baptisé le pont de l’Atlas V, pour commémorer un épisode épique de la Première Guerre mondiale. La nuit du 3 au 4 janvier 1917, le remorqueur Atlas V, commandé par son capitaine Jules Hentjens, a profité d’une crue des eaux pour quitter Coronmeuse et emporter vers Eijsden, aux Pays-Bas, 103 personnes dont 94 recrues qui souhaitaient rejoindre le front de l’Yser.

 

Le remorqueur Atlas V.

 

Ce monument, établi sur le pont, rappelle l’exploit héroïque qui justifie le nom du pont.


 

À SUIVRE

Abattoir jusqu’en 1976.

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