La place de Bronckart et ses alentours

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Vue aérienne obtenue grâce à Bing Maps.

place de bronckart_liege_1979.jpgVue aérienne d’André Drèze (extraite de l’ouvrage « Liège / Cent vues aériennes d’une ville millénaire », publié en 1980 à l’occasion du millième anniversaire de la principauté de Liège.

Cette partie du faubourg d’Avroy, la voici en 1649 sur une gravure due à Julius Milheuser :

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À cette époque, l’endroit est très champêtre, couvert de cultures, vergers et pâturages. Dix hectares de ces terres appartiennent au couvent des Frères Guillemites (le cercle rouge), établi là depuis le XIIIe siècle. Situons quelques points de repère : 1. Le cours principal de la Meuse (devenu les boulevards d’Avroy et Piercot)  / 2. La rue Sainte-Vérone (l’actuelle rue Sainte-Véronique) / 3. Le Grand Jonckeu (l’actuelle rue Louvrex) / 4. L’église Sainte-Véronique / 5. La rue Neuville (l’actuelle rue Hemricourt) / 6. Le Petit Jonckeu (l’actuelle rue du Plan Incliné) / 7. La ruelle du Saint-Esprit (l’actuelle rue de Serbie) / 8. La rue des Hours (l’actuelle rue Paradis).

Le couvent des Guillemites (Guillemins) a souffert pendant les troubles révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle, et il est fort dévasté quand l’administration française* vend le domaine en 1798 comme bien national. C’est la famille Fabry qui acquiert tous ces terrains, appelés le clos des Guillemins. Au début du XIXe siècle, elle en revendra certaines parcelles aux familles Crombet et Simonon.

* La principauté de Liège a été rattachée à la France de 1795 à 1814, tout comme le reste de l’actuelle Belgique connue précédemment sous le nom de Pays-Bas autrichiens.


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Sur ce plan de 1827, le cercle rouge désigne l’emplacement de l’ancien couvent des Guillemites, et les numéros reprennent les mêmes points de repère que ceux de la gravure de Milheuser. Les terres d’Avroy sont toujours rurales et peu peuplées, à l’exception du quai de Meuse. L’urbanisation des lieux ne va pas tarder, avec le développement du chemin de fer et la création de nouvelles voiries.

fd7dc-plan_sud_liege_1845-thumbDepuis 1842 (le plan ci-dessus date de 1845), une station de chemin de fer est établie aux Guillemins (le quartier a adopté le nom de l’ancien couvent). Une nouvelle rue a été percée pour la relier au quai d’Avroy. D’abord appelée la rue de la Station (1), elle deviendra la rue des Guillemins en 1863. Le Petit Jonckeu a été rectifié et élargi, et le chemin urbain (2) qu’il constitue préfigure la future rue du Plan Incliné.

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Comme en témoigne le plan ci-dessus, daté de 1883, une quarantaine d’années a suffi pour métamorphoser la configuration des lieux.

  De 1853 à 1863, le cours de la Meuse a été déplacé et simplifié. Les terrains récupérés, dès la fin des années 1870, ont permis la création du parc d’Avroy et du quartier bourgeois des Terrasses.

En 1863, on a construit une nouvelle gare dans l’axe de la rue des Guillemins. Cette fois, il s’agit d’un bâtiment en dur, en gros blocs de pierre de France, avec un impressionnant vitrail en façade (voir ce lien).

Quant au quartier qui nous intéresse ici, à l’emplacement de l’ancien domaine des Frères Guillemins, il s’est urbanisé dès le milieu du XIXe siècle.

Reportons-nous en 1852. Malgré les polémiques à ce sujet, il est de plus en plus probable que la gare principale de Liège restera celle des Guillemins (Liège n’aura sa gare centrale qu’avec Liège-Palais en 1877). Pour donner de la plus-value à leurs biens, les propriétaires du clos des Guillemins (dont principalement la famille Fabry) proposent à la Ville de céder les terrains nécessaires à la création d’un réseau de voiries. Le projet est accepté en 1854. Il prévoit un axe principal qui relie la rue de la Station (rue des Guillemins) à la place Sainte-Véronique, axe entrecoupé par une place carrée à chaque coin de laquelle s’ouvre une autre artère.

Naissent ainsi :

– La rue Fabry, réalisée en 1857. Elle porte ce nom à la demande de la famille Fabry qui a cédé le terrain, pour honorer son ancêtre Jacques-Jospeh de Fabry, bourgmestre de Liège lors des événements révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle, favorable aux idées françaises et opposé au pouvoir tyrannique du prince-évêque.

– La rue de Chestret, réalisée aussi en 1857 et baptisée ainsi en 1866, en hommage à Jean-Remy de Chestret, lui aussi bourgmestre de Liège à la fin du XVIIIe siècle et chef (avec Fabry) des patriotes liégeois hostiles au prince-évêque.

– La rue de la Paix, appelée ainsi en 1866 pour rappeler que la paix est indispensable à l’essor du commerce et de l’industrie. Cette rue sera rebaptisée rue de Rotterdam lors de la fusion des communes de 1977.

– La place de Bronckart, qui n’est ouverte qu’en 1863 et bâtie dès 1866. Elle porte d’abord le nom de place des Guillemins, puisque cet emplacement était au cœur de l’ancien domaine de Frères Guillemites. Elle est rebaptisée en 1885*, peu après le décès d’Émile Joseph de Bronckart, politicien liégeois qui s’est énormément dévoué pour le développement de l’enseignement primaire.

* 1885 est la date généralement retenue, notamment dans « Les rues de Liège » de Théodore Gobert. Constatons néanmoins que le plan de 1883 que nous commentons utilise déjà la mention « place de Bronckart ».

– La rue Simonon, appelée ainsi en 1866 du nom de Charles-Nicolas Simonon (1174-1847), auteur wallon (dictionnaire et poèmes).

– La rue du Midi, nommée ainsi en 1866 et rebaptisée rue des Ixellois en 1947, pour rendre hommage à la commune d’Ixelles qui a recueilli des enfants liégeois pendant la seconde guerre mondiale.

– La rue Dartois, qui porte le nom de Jacques Dartois (1754-1848), ciseleur et graveur liégeois renommé. L’appellation est adoptée dès 1857, mais il faudra attendre une quinzaine d’années pour que la voie soit opérationnelle et constructible, vu les travaux pour rehausser le terrain puis le niveler.

Il est temps de présenter quelques illustrations :

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rue et gare des guillemins_liege_1907.jpgCette carte postale de 1907 nous montre la deuxième gare des Guillemins, celle construite en 1863-64, agrandie en 1881-82 et embellie encore en 1905, à l’occasion de l’Exposition universelle. La photo qui suit permet la comparaison avec la troisième gare (1958-2007) :
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*Ce petit clocher n’existe plus de nos jours.

place de bronckart et rue fabry_liege (2).jpgLa même perspective lors de la construction d’un immeuble à l’angle et de la place de Bronckart et de la rue Fabry. Le tram électrique est probablement un véhicule de l’actuelle ligne n°20, créée en 1895 entre la place Sainte-Véronique et la place du Batty à Cointe.

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  À nouveau la même perspective, en 1962 ▲ puis de nos jours ▼rue fabry_liege_2014.jpg

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place de bronckart_liege_1909.jpgLa place de Bronckart sur une carte postale colorisée affranchie en 1909. Dès 1866, le conseil communal a voté un règlement urbanistique concernant les constructions à venir sur ce site, imposant l’uniformité des façades*. Il a fallu trois décennies pour que l’ensemble soit bâti.

* Façades classées depuis 1985.

À remarquer le pylône de distribution téléphonique, toujours existant dans les années 1950 :
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La rue Dartois au début du XXe siècle, vue depuis la rue des Guillemins.

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En 1962, avec la rue des Guillemins.

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En direction de la place de Bronckart, en 1962 ▲ et 2007 ▼rue dartois_liege_2007.jpg

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La rue Dartois et la place de Bronckart en 1970 ▲ et en 2006 ▼place de bronckart_liege_2006.jpg

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Dans le fond de cette photo de 1970, s’ouvre la rue Simonon, qu’on retrouve ci-dessous en 2006 :
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La rue des Ixellois en 1970 ▲ et 2006 (dans le fond de la place de Bronckart) ▼rue des ixellois_liege_2006.jpg

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2 commentaires sur “La place de Bronckart et ses alentours

  1. Quelqu’un me soutenait que lors des travaux de construction de la Gare de 1958, les entrepreneurs étaient tombés sur les fondations du couvent des Guillemites. J’en doutais. Et, d’après les plans que vous postez, cela me confirme dans mon idée. Il y avait peut-être des dépendances de ce couvent. Mais j’en doute. Et vous, qu’en pensez-vous?
    Philippe

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