Avant d’entamer l’historique des transformations de la place, voici deux vues aériennes permettant de comparer des lieux entre le début des années 1970 et 2004 :
* * * * *
Dans les années 1960, l’objectif des responsables communaux est de faciliter au maximum l’arrivée au centre-ville des transports en commun et des automobiles. En 1968, est adopté le « plan particulier d’aménagement de la place Saint-Lambert », le PPA dit aussi plan Lejeune*, du nom de l’échevin qui a confié l’étude du projet, dès 1964, au groupe l’Équerre, agence d’architecture et d’urbanisme moderniste.
* Jean Lejeune, échevin libéral des Travaux publics de 1959 à 1976.
Le PPA initial prévoit de transformer la place Saint-Lambert en un carrefour de voies rapides, ainsi que de créer en sous-sol une importante gare des bus et deux mille places de parking.
Plan d’aménagement des autoroutes urbaines au cœur de Liège, tel que prévu dans les années 1960.
Le projet implique de nombreuses expropriations, décidées au début des années 1970.
Les démolitions débutent en 1974. Elles vont sévir dans tout le périmètre délimité en rouge sur le plan ci-dessus. Dans cet article, nous nous intéresseront à la place Saint-Lambert et à la place du Maréchal Foch.
Mais découvrons d’abord (ou rappelons-nous) comme se présentaient les lieux au début des années 1970 :
La dia ci-dessus montre l’ampleur des embouteillages au début des années 1970. Ce sont précisément les problèmes de circulation automobile qui ont conduit les autorités communales à réaménager totalement le centre-ville.
Les destructions avancent à un rythme soutenu, mais les difficultés financières, les désaccords politiques, ainsi que le mécontentement des défenseurs du patrimoine, des commerçants et des habitants en général, vont bloquer longtemps les projets de reconstruction.
Divers projets se succèdent en vain jusqu’en 1984, quand l’architecte Claude Strebelle* se voit officiellement investi de la mission de redessiner complètement la configuration du centre-ville, en tenant compte de tous les acteurs concernés. En 1985, il réalise un schéma directeur non contraignant qui rompt avec les idées précédentes. Adopté en 1988, il aboutira, une quinzaine d’années plus tard, à ce qui existe aujourd’hui.
* Claude Strebelle (Bruxelles 1917 – Liège 2010) a aussi été, dans les années 1970, l’architecte coordinateur qui a dirigé l’implantation de l’université de Liège dans le domaine du Sart-Tilman.
Les photos qui suivent vont vous montrer la chronologie des démolitions du patrimoine ancien et des chantiers de réaménagement.
Les premières destructions ont lieu en 1974-75 :
C’est finalement tout l’îlot situé entre la rue Haute Sauvenière et la place Saint-Lambert qui va disparaître :
▲ La fin du magasin Phare en février 1975 et le même endroit en juillet 1977 (l’îlot avec l’ancien Sarma sera ôté du paysage en 1982 ▼
La photo ci-dessus a été prise à l’emplacement de l’ancien square Notger, supprimé en février 1977 (la gare du Palais vit ses derniers moments).
Le chantier dans l’autre sens en 1977, année de la fermeture du Grand Bazar pour cause faillite (le panneau sur la façade porte l’inscription « Grand Bazar, le chemin de 800 chômeurs »).
L’ampleur des travaux vers 1978.
Une partie de tout ce béton enfoui inutilement (il était initialement question d’une importante gare des bus) sera récupéré pour devenir le parking Saint-Lambert, situé sous l’actuel îlot Saint-Michel.
▲ En décembre 1978, on commence l’enlèvement des platanes de la place Saint-Lambert (ils seront replantés près du pont de Wandre). Remarquez, à gauche, l’état d’abandon du bâtiment que l’on nommait le Tivoli. Il est en passe d’être détruit, tout comme les deux pâtés de maisons qui séparent les places Saint-Lambert et du Marché ▼
La démolition du Tivoli.
Ce qui reste, en mars 1979, des maisons situées entre les rues du Général Jacques et Sainte-Ursule (on devine le palais des princes-évêques sur la droite du document).
À titre de comparaison, voici les rues du Général Jacques (la flèche rouge) et Sainte-Ursule (la flèche verte) vues depuis la place du Marché avant les démolitions.
Vue aérienne de 1979. On peut voir l’ampleur des destructions. À remarquer aussi que des fouilles archéologiques sont en cours place Saint-Lambert (depuis 1977) et sur le site de l’actuel espace Tivoli (depuis 1979).
Les fouilles archéologiques en 1977.
Les fouilles fin 1979 début des années 1980.
Septembre 1980.
Sur l’emplacement Tivoli, les fouilles n’ont pas duré longtemps, au grand dam des archéologues. Il fallait se dépêcher de libérer l’espace, qui devient une zone de parcage automobile tandis que l’on discute du sort à lui réserver.
Les fouilles de la place Saint-Lambert en 1981. Le Sarma Lux occupe les locaux de l’ancien Grand Bazar depuis deux ans.
En 1981, va commencer la démolition de l’îlot où se trouve l’ancien Sarma, que l’on voit ici en novembre 1976).
1981 ou 82 : le Sarma dans les bâtiments de l’ex-Grand Bazar et à l’arrière-plan, son ancien siège en cours de destruction (excusez la mauvaise qualité du document).
La démolition du même îlot vue depuis la place de la République française.
La fin de la démolition de l’ancien Sarma en février 1982.
Cette vue a été prise du toit du Sarma Lux pendant la démolition de l’ancien Sarma (à gauche en ruines). Circonscrit par la rue Haute Sauvenière et l’hôtel de Bocholtz (ancienne place Saint-Michel), le terrain vague issu des saccages de la fin des années 1970 sert de parking.
Vue photographiée vers 1984 depuis le chantier de la Société générale de banque (actuelle BNP Paribas Fortis). Le mur aveugle, dans le cercle rouge, constitue l’angle des rues de Bex et Léopold.
Voici cet angle en 1982. Les immeubles désignés par les flèches vont bientôt disparaître.
Gros-plan sur les immeubles abandonnés.
Les destructions vues depuis la rue Léopold, préparatoires à l’aménagement d’une gare des bus.
À l’arrière-plan gauche, l’angle des rues de Bex et Léopold en 1988.
Quel événement est à l’origine de cette pelouse centrale ?
La première série de fouilles archéologiques, entamées en 1977, a duré sept ans. En 1984, on a interrompu les recherches pour rendre un aspect décent à la place en vue de la visite papale prévue pour mai 1985. C’est à cette occasion qu’on créé la pelouse circulaire centrale.
Cette carte postale éditée pour la circonstance. À remarquer, outre la pelouse du centre de la place Saint-Lambert, une autre fort verte en face du palais provincial… truquage pour dissimuler le chantier en cours :
La visite du pape Jean-Paul II à Liège, le 19 mai 1985.
Photo de 1988. À l’avant-plan : les voitures stationnant sur le terrain vague entre la place Saint-Lambert et la rue Haute Sauvenière (actuel emplacement de l’îlot Saint-Michel). À gauche : ce qui reste de la rue Saint-Pierre, soutenue par des pieux de béton. Au centre : deux tours de béton, cages d’ascenseurs d’une future annexe du palais.
▲ Les cages d’ascenseurs et les fondations d’une annexe qui ne sera jamais achevée ▼
Les deux photos qui suivent datent de 1990. Les projets ont changé et les cages d’ascenseurs ont été démolies :
Août 1991. Des fouilles archéologiques ont repris au centre de la place Saint-Lambert, tandis qu’ont lieu les travaux qui aboutiront à la situation actuelle.
Panorama 1991.
Rue Joffre 1992.
Le chantier de la place Saint-Lambert en mars 1995 :
La construction de l’îlot Saint-Michel en 1998 :
Merci de laisser un commentaire ou de partager si vous avez apprécié cet article 😉
Beau travail, merci! C’est vraiment intéressant de voir tout ça.
J’aimeJ’aime
Très beau reportage, moi qui n’ai pas connu « l’ancienne » place… Je suis née en 1982 mais je l’ai connue que vers début des années 90. Je suis contente de voir d’anciennes photos. Mais je ne comprendrai jamais pourquoi on a détruit tout ces bâtiments. Les bâtiments d’époque avaient un certain cachet alors que maintenant c’est assez froid. Et les bâtiments à l’actuel espace tivoli, pourquoi les avoir démoli si c’était pour laisser un espace vide ?
J’aimeJ’aime
Encore félicitations pour cette nouvelle magnification collection d’images !
J’aimeJ’aime
C’est un travail de fourmi ! Magnifique ! Merci Monsieur Warzée !
J’aimeJ’aime
magnifique un énorme merci
J’aimeJ’aime
Quel travail! Merci à vous, très intéressant.
J’aimeJ’aime
Monsieur, déjà merci pour votre travail, superbe et un plaisir de voir la beauté de cette ville qui est détruire par des marchands du temple, dommage
J’aimeJ’aime
Bonjour, bravo pour cette mine d’or ! Je cherchais des photos des deux tours de béton de la Place St Lambert. J’en avais un souvenir très clair bien que je n’avais que 7-8 ans à l’époque. Mais je me souviens que leur vue faisait enrager mon père tellement il les trouvait laides… Bonne continuation.
J’aimeJ’aime
Merci pour ces photos. j’ai commencé mes études a liège en 1976 et j’ai vu les transformation de cette place …
J’aimeJ’aime
Passionnant, merci pour ce beau travail de recherches. existe t’il une version livres de vos recherches ,merci
J’aimeJ’aime
Grand merci pour cette très complète illustration d’une tranche de notre Histoire locale.
J’aimeJ’aime
Merci, né en 1963, je me souviens du passage souterrain pour accéder au rayon alimentation du Grand Bazar qui se trouvait au sous-sol, en partie sous la rue le long du magasin. Sur la troisième photo en partant de la fin on peut distinguer les carrelages beiges sur les murs dans le sous-sol. On pouvait donc accéder au Grand Bazar depuis le petit bâtiment au toit arrondi qui se trouvait entre les arrêts du bus 10 et du bus 4. Sur la 27è photo dans la série destruction 1974-1975 on peut même distinguer les lettres « alim » à l’intérieur de ce petit bâtiment, il y avait un escalator pour remonter. Le rayon poissonnerie avec des aquariums de poissons vivant était au bas de ces escaliers. Je ne retrouve jamais mention de cette particularité mais pour moi, âge de 10 à l’époque un magasin sous la route c’était « magique ». Après la faillite du Grand Baza l’accès fut fermé, couvert et la STIL (ancienne compagnie de bus) y installa un bureau. Merci encore.
J’aimeJ’aime
Félicitation pour vos recherches magnifique photos anciennes.
Belles preuves de Gâchis , quand on vois la différence d’ambiance, l’accueil chaleureux de l’ancien Liège, et le ressenti froid et impersonnel actuel. c’est bien triste.
J’aimeJ’aime
que de démolitions!!
J’aimeJ’aime
Impec👍monsieur Warzée,
Nostalgie d’un temps passé que de souvenirs. Je ne dirais pas que tout est mauvais à notre époque 🌍mais il y a énormément d’absurdités, de nos jours on procrastine beaucoup.
Je ne suis pas étonné de votre travail 📃car déjà en tant que professeur à l’époque ou j’ai eu la chance d’être l’un de vos étudiants à l’ISL 👨🎓votre rigueur et votre qualite d’enseignement appuyée par des reportages dias m’a marqué dans le beau sens du terme😃sans oublier votre pointe d’autorité très juste .
J’espère qu’il y aura encore des profs avec votre qualite d’enseignement, pour moi vous êtes un passeur d’instruction et de souvenirs comme trop peu il en existe.
Salutations
Christophe Leclercq-D de 75
J’aimeAimé par 1 personne